
Un bon accord est un plan d’action qui engage l’humanité sur une trajectoire garantissant, si possible à moindre coût, la limitation du réchauffement climatique à +2°C.
Les accords de Paris, pour leur part, n’ont déclenché aucune réduction des émissions compatibles avec l’objectif 2°. Pendant les cinq années qui ont suivi l’accord, les émissions de gaz à effet de serre ont été supérieures à ce qu’elles étaient l’année précédente !
Si aujourd’hui l’objectif 2° reste encore accessible, c’est désormais au prix d’un effort beaucoup plus important que celui qu’il aurait suffi d’engager dès 2016.
Les accords de Paris n’ont donc pas engagé l’humanité sur une trajectoire compatible avec un réchauffement limité à +2°C.
Quant à l’objectif d’un réchauffement climatique limité à une valeur proche de 1,5°C, il n’a servi qu’à obtenir la signature des états insulaires menacés d’engloutissement. Rien d’opérationnel derrière cet objectif. Juste l’ambition d’obtenir un accord universel.
Rappelons enfin que le cumul des engagements volontaires pris par les états signataires des accords de Paris correspondait à un réchauffement planétaire supérieur à 3°C.
Quelles leçons pouvons-nous donc tirer de cet échec ?
1/ Négocions à 20 et pas à 200.
La négociation ne devrait pas mobiliser l’ensemble des pays reconnus par l’ONU mais seulement les pays les plus consommateurs, ou les plus producteurs, d’énergie carbonée.
Difficile à envisager ? Les questions économiques et financières mondiales se traitent bien lors des réunions du G20. Quand les sujets sont vraiment sérieux c’est à 20 qu’ils sont discutés. Est-ce que le climat va enfin devenir un sujet sérieux ?
Nous devons bien reconnaître que depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992, aucun sommet, aucune COP, n’a vraiment permis d’enrayer la hausse continue des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
La diplomatie Onusienne est trop complexe, trop lourde, trop technique, trop diplomatique (elle privilégie l’accord universel à l’efficacité des actions), trop médiatique, trop monopolisée par toujours les mêmes diplomates-experts.
2/ Définissons des engagements solidaires de réduction de la production annuelle de pétrole, de gaz et de charbon.
Le CO2 est responsable à plus de 80% du réchauffement du climat. C’est sur lui qu’il faut donc agir en priorité.
Se fixer des objectifs de réduction d’émission se heurte à des difficultés de mesure et de définition. (Celles-ci n’étaient pas résolues au moment des accords de Paris).
Le concept de « neutralité » est encore plus difficile à appréhender car, au-delà même des difficultés de définition et de mesure, il met en jeu des technologies que personne ne maîtrise aujourd’hui.
Autant donc afficher tout de suite ce qu’il faut absolument faire : produire moins de pétrole, de gaz et de charbon. C’est-à-dire arrêter d’ouvrir de nouveaux gisements, fermer des puits ou des mines, arrêter des raffineries, reconvertir des pétroliers, supprimer des réseaux de gaz, ….
Le plus simple, le plus efficace, le plus mesurable, est donc de se mettre d’accord sur une réduction régulière de la production de pétrole, de gaz et de charbon.
3/ Identifions des trajectoires économiques désirables pour les pays producteurs privés de ressources essentielles (Et pour les entreprises concernées)
Il faut bien traiter LE SUJET essentiel. Quel avenir économique, quel destin désirable, quelle trajectoire pour les pays exportateurs qui vont être privés de ressources essentielles ? De même quel avenir pour les grandes entreprises concernées ? Sans traiter ce sujet il n’y a aucune raison que les pays et les entreprises s’adaptent à un rythme suffisant.
S’il cela s’avère nécessaire, n’hésitons pas à aider ces états et ces entreprises à financer leur transition.
4/ Fixons des objectifs à 5 et 10 ans.
Tenir l’objectif de +2°C c’est comme devoir faire 10 km en une heure.
- On peut le faire sans trop d’effort en commençant à trottiner tout de suite.
- Si on démarre en marchant, il faudra accélérer et finir en courant.
- Si on marche les 40 premières minutes, atteindre l’objectif deviendra très difficile.
En matière de climat, pendant quelques années, on pourra toujours affirmer que l’objectif est encore atteignable à condition de courir très vite plus tard. Mais très bientôt, dans moins de 10 ans, il faudra se rendre à l’évidence, l’objectif sera tout simplement inaccessible.
Aujourd’hui nous voyons différents pays, dont l’UE, ajuster à la hausse leur objectif : ils ne font que prendre acte du temps perdu.
Pourquoi cette contrainte : parce que le CO2 se cumule dans l’atmosphère et y reste en moyenne environ 150 ans. Il ne s’agit pas d’atteindre un objectif, une cible, il s’agit de gérer un capital, ce capital c’est notre « budget carbone ». Quand nous l’aurons émis, quand nous aurons brûlé tout le pétrole, le gaz et le charbon correspondant, le réchauffement du climat dépassera inévitablement les +2°C.
5/ Mettons en place une structure mandatée pour proposer une répartition des efforts entre les pays.
L’ONU ne dispose d’aucune force de proposition, c’est une de ses faiblesses institutionnelles.
Le processus qui consiste à demander à chacun de faire sa proposition « d’engagement volontaire » n’est manifestement pas efficace : nul ne veut afficher un effort trop important au risque de « faire le travail pour les autres ». Ce processus pousse au moins disant.
Il est de loin préférable de disposer d’une entité technique qui puisse proposer un effort réparti le plus équitablement possible. La discussion porte éventuellement sur les critères d’équité, ou sur des ajustements, mais l’objectif final reste toujours en ligne de mire.
6/ Considérons l’argent comme une ressource essentiellement limitée par nos capacités physiques et intellectuelles.
Tout nous contraint : le pétrole, le gaz et le charbon que nous ne pouvons plus consommer en abondance, les ressources minières qui s’épuisent, les ressources naturelles en extinction, les terres cultivables qui s’amenuisent face à une population toujours croissante, …
Seul l’argent est une ressource qui, par construction, n’a pas de limites physiques, mais seulement celles de notre capacité à la créer et à la mettre en œuvre à bon escient.
On peut manquer de tout, mais pas d’argent. Ce serait trop grave de succomber à de réelles contraintes physiques en se soumettant à de fausses contraintes contractuelles.
Il faut apprendre à créer et à utiliser l’argent pour financer la transition écologique sans déclencher d’inflation, de dépréciation de la monnaie ou d’explosion de nos importations. C’est tout à fait possible à travers une action coordonnées combinant politique monétaire, politique budgétaire, politique fiscale, politique industrielle, politique de formation, …
7/ Considérons la question de la réduction de nos énergies carbonées comme absolument prioritaire.
Cela signifie qu’il faut traiter de façon coordonnée mais distincte, les sujets majeurs suivants :
- La réduction des émissions des autres gaz à effet de serre (qui comptent pour environ 20% du réchauffement climatique et qui ont des durées de vie dans l’atmosphère beaucoup plus courte que le CO2 : les actions à mettre en œuvre sont donc de nature différente)
- Le développement des actions de captation du CO2, soit à travers un meilleur usage des sols, soit à travers le stockage du CO2 en couches géologiques profondes, soit encore à travers des processus chimiques à définir (Absorption du CO2 par des algues)
- La mise en œuvre d’action d’adaptation au changement climatique
Notons que ces trois sujets n’épuisent pas, loin de là, l’ensemble des défis de la planète. A priori ceux-ci sont recensés à travers les 17 ODD (objectifs de développement durable) définis par l’ONU, et peuvent faire l’objet de traitement à la fois globaux et spécifique.
Traiter de façon prioritaire et spécifique le pétrole, le gaz et le charbon répond à un double objectif :
- Centrer les décisions sur un champs d’action suffisamment restreint (et par ailleurs déjà énorme)
- Éviter les tentatives d’évitement comme : « continuons à produire aujourd’hui on saura séquestrer le carbone demain » (C’est le concept trompeur de la neutralité carbone), « mobilisons nos énergies sur l’adaptation il est trop tard pour réduire les émissions », …
8/ Soyons plus exigeants dans le choix de nos dirigeants, au niveau national et européen.
Nous avons besoin de dirigeants,
- qui comprennent vraiment les enjeux du réchauffement climatique,
- qui savent faire la différence entre un objectif cible (celui qu’on peut toujours atteindre un jour) et une trajectoire (celle qui faut respecter année après année en suivant des objectifs cumulés),
- qui préfèrent la rigueur d’un plan d’action efficace à l’éclat d’une communication médiatique,
- qui sont capable de gérer des plans d’action multidimensionnels de façon coordonnée et pérenne et non des séries d’actions spots contradictoires et non suivies,
- qui priorisent les sujets et ne considèrent pas toujours que tout est systémique.
A nous d’être vigilants et de choisir ceux, celles, qui nous paraissent réellement volontaires et capables de cela.